Henri Boumandil s’en est allé après une vie de combat contre l’amiante.
Après plus de 25 ans au service des victimes de l’amiante de Seine Saint Denis, Henri Boumandil nous a quitté dans la nuit du mercredi 31 aout au 1er septembre à l’hôpital Avicenne. Il avait 91 ans, avait passé les six dernières années relié à une cuve d’oxygène de la taille d’une grosse machine à laver, et ne sortait de chez lui qu’avec deux bouteilles accrochées dans le dos. Mais jamais cela n’avait suffi à entamer son moral ni à le décourager de porter haut la parole des victimes de l’amiante.
C’est la fin d’un long combat engagé en 1987 après la découverte de plaques pleurales pour cet ancien électricien de chez Alstom, entreprise qu’il avait fait condamner en faute inexcusable de l’employeur. Henri n’était pas seulement un membre de l’équipe de l’Addeva 93 dont il était l’un des fondateurs. Il l’incarnait véritablement tant l’association lui collait au cœur et à l’âme, et on peine maintenant à imaginer les locaux de La Courneuve sans sa présence toujours amicale derrière son bureau recouvert de dossiers.
C’est pourquoi l’Addeva 93 a tenu à lui rendre un hommage public le mardi 27 septembre 2022 à la bourse du travail de La Courneuve. Une soirée pendant laquelle, à l’image de la personnalité d’Henri, le rire le disputait à l’émotion.
En alternance avec des vidéos d’archives nous le montrant en action, les témoignages se sont succédé au micro. Ses camarades de combat, amis de l’Addeva comme Alain Bobbio, Bernard Balestri ou Jean-Paul Mercier ; puis Maribel, ancienne salariée devenue bénévole la retraite venue ; et Nasséra, actuelle secrétaire qui va quitter son poste dans 5 mois en emportant des souvenirs émus. A l’arrière de la salle, Didier confiait avoir le cœur trop lourd pour trouver les mots justes.
Michel Ledoux, avocat de l’association, a rappelé l’interminable combat judiciaire de celui qui était devenu son ami, ainsi que l’incroyable combativité de ce « marathonien de la justice » ; François Dosso qui avait fait près de 750 kilomètres pour l’occasion dans la journée, s’est souvenu de chants militants entonnés un soir sur un coin de table, à la maison des mineurs de Freyming Merlebach lors d’une formation.
« Travailler avec lui était un véritable médicament contre la déprime » ajoutait l’avocat. « Son état s’aggravait mais il avait toujours tendance à en blaguer ». Ce trait de fort caractère, cet optimisme combatif avait manifestement imprégné nombre de ceux dont il avait été amené à traiter les dossiers de maladie, tant ils étaient nombreux à être présent ce jour-là et à prendre la parole pour narrer telle ou telle anecdote.
Il y a 7 ans, dans un colloque organisé par l’Andeva et les médecins de Mesoclin au ministère de la santé auquel il n’avait pas pu se rendre pour des raisons de santé, Henri avait enregistré une vidéo à l’attention des participants. Elle avait pour thème « la résilience », ce processus qui permet aux victimes et à leurs proches de remonter la pente, de reprendre goût à la vie et de passer d’un drame individuel à un engagement collectif.
C’est maintenant l’Addeva toute entière, à travers ses bénévoles, salariée et adhérents qui va devoir mettre cette qualité en pratique pour continuer après lui.