1er septembre 2020 – Cour d’appel de Paris : Combien vaut une vie sous oxygène ?
Mardi 1er septembre à 13 h 30, le dossier emblématique de Henri BOUMANDIL, victime de l’amiante et secrétaire de l’Addeva 93, est passé devant la cour d’appel de Paris. Atteint de plaques pleurales et d’une asbestose pulmonaire reconnues en maladie professionnelle, Henri a vu son handicap respiratoire s’aggraver très fortement depuis quinze ans. Depuis quatre ans, il vit 24 heures sur 24 sous assistance respiratoire, s’essoufflant au moindre effort. Combien vaut une vie en sursis, fragilisée à l’extrême par la maladie ? Telle était la question posée ce jour-là aux magistrats de la Cour d’appel.
Le médecin conseil de la CPAM n’avait donné à Henri qu’un taux d’incapacité (IPP) de 60%. Un taux dérisoire, qu’il avait vécu comme une négation de son handicap et de ses souffrances.
Il a donc contesté ce taux devant le tribunal du contentieux de l’incapacité, en réclamant un taux de 100%, strictement conforme au barème de la Sécurité sociale.
En 2018, le docteur VAYLET, expert judiciaire a décrit une situation pulmonaire très dégradée : « insuffisance respiratoire grave », « altération sévère » de la diffusion de l’oxyde de carbone, « hypoxémie chronique », « hypertension artérielle pulmonaire », soulignant qu’il « souffre d’une dyspnée de stade IV et bénéficie d’une oxygénothérapie en continu ». Il s’est prononcé pour un taux d’IPP de 100%.
Par un jugement du 3 avril 2019, le tribunal a retenu le taux de 100% proposé par l’expert. Il a pris soin de préciser que « la simple constatation du caractère permanent de l’assistance respiratoire » et de l’altération de la diffusion des gaz du sang « aurait dû permettre de faire droit aux demandes de Monsieur Henri BOUMANDIL sans qu’une procédure judiciaire soit nécessaire ».
Les choses auraient dû en rester là. Mais le service contentieux de la CPAM a jugé bon de faire appel, ajoutant aux épreuves de la maladie, celles d’un marathon judiciaire parfaitement infondé. Un acharnement incompréhensible de la part d’une caisse primaire généralement à l’écoute des victimes.
Henri était dans l’impossibilité de se déplacer à l’audience du 1er septembre. Son dossier a été plaidé par maître Stéphanie Gonsart, du cabinet Ledoux. La CPAM de Seine-Saint-Denis, qui avait demandé une dispense de plaidoirie, est restée muette.
Stéphanie Gonsart a repris les conclusions du rapport rendu par l’expert judiciaire e et rappelé les attendus du jugement rendu en première instance. Elle a répondu avec précision à toutes les demandes du Président, en soulignant que les conclusions écrites de la CPAM étaient pour le moins laconiques et ne faisaient même pas référence à l’expertise qui justifiait un taux d’incapacité de 100%. Elle a estimé que cet appel de la CPAM, sans plaidoirie ni argument, pouvait être qualifié de procédure abusive.
A l’issue de cette audience, Alain Bobbio, président de l’Addeva 93, qui y avait assisté a souligné qu’Henri demandait simplement qu’on lui rende justice en appliquant le taux prévu par le barème de la Sécurité sociale pour une « insuffisance respiratoire chronique grave ».
« L’audience s’est plutôt bien passée, a estimé Michel Ledoux qui accompagne Henri Boumandil depuis près de 20 ans. Mon client fait presque partie de la famille, s’exclame-t-il. C’est une forte personnalité et un cas emblématique. Il se trouve que, comme lui, certaines victimes subissent une sorte de délire procédural de la part des caisses. C’est presque indécent de contester son niveau d’incapacité quand on voit son état. Il y a un caractère irrationnel et incompréhensible dans ces appels. »
La cour d’appel rendra son arrêt le 23 octobre 2020. Henri l’attend avec confiance. Il a un moral d’acier : « Je ne pleure pas. Je veux que justice me soit rendue ».
24 juin 2017 : Un témoignage d’Henri dans le magazine « Brut » sur le procès pénal
Après des non lieu dans le procès pénal de l’amiante, Henri Boumandil est interviewé par des journalistes du magazine.